Saint Michel de l’Attalaye, Juillet 2013
Douai, le 2 juillet 2013
Chers Amis, Parents et Sœurs, proches d’Haïti,
C’est bien la première fois que la dernière circulaire de l’année est écrite en France. En réalité, elle était prête le 15 juin, mais avec notre départ de St Michel prévu pour le 20 et les rapports à préparer, je n’ai pas eu la possibilité de la mettre sur l’ordinateur. Veuillez m’en excuser.
Au retour du Cameroun, après un merveilleux séjour, il a fallu « mettre les bouchées doubles » et nous avions au programme pas mal de visites sans compter les imprévus. Que ceux et celles parmi vous qui ont été coopérant(e)s au Collège Ste Jeanne d’Arc partagent avec moi l’affection et la reconnaissance des Anciennes et Anciens. J’en ai rencontré de toutes les promotions. Ils ont demandé de vos nouvelles et m’ont parlé de chacun de vous avec émotion et gratitude. Vous les avez aidés à s’avancer dans la vie et ils ne vous oublient pas.
Au cours de mes déplacements, j’ai été frappée par l’abondance des terres cultivées. On n’en perd pas un pouce. Les récoltes sont en proportion du travail. On mange à sa faim : une nourriture saine, variée et abondante. Travaillons de tout notre cœur pour que dans un avenir proche, on puisse en dire autant d’Haïti.
Cette année la fête de l’école a été célébrée le 12 avril en présence de deux de nos Conseillères Générales. La joie était au rendez-vous. A la Messe, les enfants ont chanté de tout leur cœur. Le retour vers l’école est impressionnant. Vous avez déposé une belle cuisse de poulet dans 750 assiettes. Le seul jour de l’année où l’on sert de la viande à la cantine et vous avez ajouté une bonne bouteille de jus sucré et aromatisé. L’abondance ! Rassasiés, les enfants se sont mis à danser. Nous vous disons : « Mèsi anpil ». Avec les visites de la fête de la Paroisse, le 8 Mai, la journée des enseignants, la fête du drapeau, la Pentecôte, la fête des Mères, nous sommes arrivées en Juin sans nous en rendre compte.
Sœur Apolline a pris la décision de rester en France après son congé. Ce n’est pas qu’elle s’ennuie, elle est plutôt du genre « non-stop » mais vu son âge-elle sera bientôt nonagénaire-et quelques petits ennuis de santé, c’est sagesse. Elle laissera un grand vide et tous la regretteront. Pour souligner ce qu’elle a apporté aux St. Michelois en 23 ans de présence, la Mairesse a tenu à prendre en mains elle-même la célébration de son départ. L’école se chargeait seulement de l’animation de la Messe et de la décoration de la salle. Les mets étaient joliment présentés, variés. C’était beau et c’était bon! Les 50 invités sont sortis satisfaits. Il y eut beaucoup de témoignages. Tous ont relevé la discrétion, la disponibilité et l’efficacité de notre doyenne, la diversité de ses dons aussi et bien sûr, son humour ! Quant à elle, sa surprise et son émotion étaient visibles. Elle a travaillé jusqu’à la dernière minute !
Pour la 3ème fois, Sr Elizabeth a achevé une année scolaire. Les problèmes n’ont pas manqué. Grâce à la collaboration des professeurs, des Parents, surtout ceux du Comité, et à la bonne volonté des élèves, elle a trouvé des solutions. Avant la fin de l’année, elle a eu la joie de servir aux enfants une belle eau potable venant du puits. Un cadeau reçu avec enthousiasme. L’installation de la pompe n’a pas été facile. Pendant des années, elle a travaillé sur ce projet qui a débuté lors de l’épidémie du choléra et qui se situe dans la ligne de la « Protection de l’enfance ». Haïti-Présences mérite un Merci spécial : l’argent alloué à l’achat, au dédouanement, au transport du matériel était épuisé et pourtant, il fallait finir de payer les deux châteaux d’eau de 450 gallons chacun et envisager un modeste abri pour ce précieux matériel. Il existe une rubrique « en cas » dans notre budget. Le travail a pu être achevé et l’eau a coulé dans les gallons des enfants .C’est émouvant de lire sur le mur de l’abri : « Dlo Sent Inyon ». L’eau Sainte Union ».
Autre nouveauté : les réchauds améliorés. Nous avons été sélectionnés pour recevoir gratuitement 5 réchauds et 5 chaudières avec 1000 briquettes. Pour fabriquer celles-ci, on prend du papier imprimé et on le trempe. Puis on le triture avec de la bagasse, résidu de canne à sucre. Ensuite, on le passe dans une presse pour donner la forme et sécher la briquette. Elle sera vendue 1gourde. (1 euro vaut 60 gourdes). Nos élèves du CM2 ont appris à fabriquer les briquettes mais elles n’ont pas la presse. Dans leur classe, on accumule les vieux papiers .Ces réchauds et les réchauds à butane ne nécessitent pas de bois. Les utiliser est une façon de protéger l’environnement.
Une dernière amélioration : elle concerne tout le bourg. L’électricité est arrivée à St Michel grâce au barrage Péligre dans le Plateau Central. En principe, ce devrait être 24h sur 24.En réalité, ce n’est pas tout-à-fait cela mais c’est appréciable quand même. Toutes les communes voudraient le même avantage. Pour se faire entendre, on barre la route, ce qui pose parfois de sérieux problèmes. Sr Elizabeth a dû effectuer deux voyages à Port-au-Prince pour obtenir son visa. En fin d’année scolaire, ce n’est pas intéressant !
La capitale s’agite parfois car il y a de sérieuses tensions entre le gouvernement et le Parlement au sujet de futures élections législatives et municipales et concernant l’aide étrangère allouée à certains projets. Tout n’est pas clair ! Trois anciens présidents ont comparu devant la justice : Duvalier, Aristide et Préval.
Concernant le PSUGO (Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire) mis en place par le Président en 2011, les enquêtes se multiplient car certains directeurs se contentent d’envoyer des rapports. L’agent qui vient contrôler ne trouve pas d’élèves dans la soi-disant école et pourtant le responsable a retiré l’argent à la Banque. 72 directeurs sont en prison dans la zone de Port-au-Prince .L’enquêteur venu chez nous, le 10 juin, a été très content de voir tous les enfants du cours du soir, en uniforme, bien pourvus de livres, sérieusement encadrés par les professeurs et bénéficiant de la cantine. Madame Roseline et moi n’irons pas en prison mais il nous faudra présenter les rapports.
Le recrutement a été fait pour « La Maison des Enfants ». Un choix difficile vu le grand nombre de demandes et les places disponibles. On a vu un papa verser de vraies larmes en ne voyant pas le nom de son enfant sur la liste. Heureusement, un professeur le connaissait et nous avions pris les numéros de téléphone. Nous l’avons rappelé : sa petite fille sera accueillie. J’ai entendu que certains parents, quand la maman attend un bébé, souhaitent que ce soit une fille pour la mettre à l’école des Sœurs. Touchant ! Nous ne risquons pas de manquer d’élèves. Beaucoup de protestants recherchent l’école, pourtant leur Eglise a la sienne. Une façon de vivre l’œcuménisme.
Un mois s’est passé depuis le début de la saison cyclonique. Espérons que les 18 cyclones attendus dans la zone ne soient pas trop dévastateurs. Le Plateau Central a subi des inondations et à St Michel nous avons eu pendant des semaines de fortes averses, le soir. Les jardins ont besoin d’eau mais il n’en faut pas trop !
Avec beaucoup de joie, Sr Apolline et moi allons revoir certains d’entre vous. Nous aimerions vous trouver en pleine forme. Peut-être verrez-vous Sr Elizabeth aussi car elle prévoit de passer quelques jours en France après son congé au Cameroun et avant d’entamer une nouvelle année. Nous vous devons beaucoup. Votre affection entretient la flamme et nous ne savons pas comment remercier le Seigneur pour la grâce de votre amitié. Nous Lui demandons de vous regarder avec tout son amour. Votre ingéniosité et votre générosité nous permettent de réaliser nos projets. Il nous faut lutter pour que le peuple haïtien se tienne debout tout seul. Le courage ne manque pas à nos amis ni la foi. L’année de la foi est vécue de façon missionnaire. Les jeunes à qui vous offrez une bourse s’acharnent : Lanise et Géraldine, à l’école d’infirmières ; Louinise, en Terminale ; plusieurs dans le 3ème cycle, (le Collège). Miche-Mam, après avoir été traitée pour la tuberculose, est revenue en classe .Elle espère bien réussir l’examen officiel de Fin d’Etudes Fondamentales. Sa maman est veuve. Un ami, élève de Terminale, s’occupe de vidéos, de badges, de maillots imprimés pour faire face aux frais de l’Université sans peser sur sa famille. Malheureusement, un stupide accident de voiture vient de lui ravir son père, un papa qu’il vénérait à juste raison. Jimmy est l’aîné de 6.
Nos amis devront être tenaces et persévérants. L’important est d’avancer. Vous marchez avec nous et vous nous entraînez. Merci.
De tout cœur, nous vous embrassons.
Sr Apolline, Sr Elizabeth et Sr Jean-Jo